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C’est sans doute le jour ou jamais.

Mais peut-être avons-nous besoin d’urgence, si l’urgence est la durée limitée à sa plus simple expression, ne laissant plus place aux tergiversations, ni à la réflexion, éliminant instantanément les options qu’en temps normal on laisserait se développer en se disant qu’on aura bien le temps de s’en occuper plus tard, si l’urgence est ce temps où s’impose non pas le possible, mais le nécessaire. Si l’urgence a besoin que s’installent un certain nombre de conditions de réalisation, qui imposent le passage à l’acte, alors peut-être faut-il miser sur une certaine détérioration de la situation. Mais on ferait bien de se souvenir, avant d’en arriver là, que l’urgence est aussi cette situation dans laquelle on n’a plus le loisir de se plaindre, ni de dialoguer, c’est l’instant où on doit laisser faire les choses. Et comme nous ne sommes pas, aujourd’hui, encore dans l’urgence, qu’on a encore quelques heures pour déplier les professions de foi reçues dans cette enveloppe marron, de les parcourir, d’aller voir sur leur site les propositions de toutes les listes qui n’ont pas eu les moyens d’imprimer leur programme (dont les il faut imprimer soi-même le bulletin permettant de voter pour elles, ce que peu de monde semble savoir), d’enfiler deux trois vêtements, de délaisser Drucker quelques minutes et de se rendre dans son bureau de vote, pour participer au dialogue continental, histoire de laisser à ce mode de confrontation une chance, avant de devoir en passer par d’autres expédients.

Pour se mettre un peu de coeur à cet ouvrage (qui n’est que le premier degré de l’implication, autant dire que si l’Europe pouvait se faire uniquement en envoyant quelques députés au parlement, ça se saurait (et ça se ferait)), voici un petit texte de Stiegler, auteur dont on peut, souvent, penser en le lisant qu’il est un peu au coeur des choses. Et c’est justement de coeur à l’ouvrage qu’il s’agit. Et si l’Europe est une oeuvre (et elle le fût), alors oeuvrons.

« Constituer l’Europe ne peut rien signifier d’autre, si l’on m’a bien compris, que reconstituer de la sublimation – c’est à dire réaffirmer les formes les formes élevées de la civilisation en luttant tout d’abord contre les formes viles de l’absence de vergogne qui dominent et détruisent le monde : il s’agit de lutter contre la désublimation.
stieglerMais une lutte contre quelque chose ne peut lutter que si elle lutte aussi pour quelque chose – sans quoi elle ne fait que se lamenter en attendant, tel Jérémie, une Providence quelconque à laquelle ceux qui croient au Ciel savent qu’elle ne leur adviendra que s’ils s’aident et s’entraident.
C’est à esquisser des idées pour une Europe nouvelle que cet ouvrage se consacre en posant comme préalable que la question est celle de l’invention d’une nouvelle époque de la société industrielle et que l’Europe devrait en être le lieu de naissance.
(…)
N’ayez pas peur.
Ne pas avoir peur signifie que pour nous, qui disposons d’une raison, pratique et théorique – que nous croyions au Ciel, comme Kant qui pense la raison pure depuis un être suprêmement réel, ou que nous n’y croyions pas, comme il en va généralement des philosophes depuis la révolution industrielle : n’ayons pas peur d’agir, ayons du coeur à l’ouvrage, constituons l’Europe enfin, et avec elle, inventons une nouvelle époque de la société industrielle.
Faisons une nouvelle révolution industrielle tout aussi bien que culturelle. »

Bernard Stiegler – Constituer l’Europe, Dans un monde sans vergogne; p. 40 sq – 2005

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