Amplificateur de puissance

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Socrate disait avoir son démon intérieur, qui lui soufflait des réponses aux questions auxquelles il n’aurait su, par lui-même répondre. Cependant, ses pérégrinations dans les rues d’Athènes, et sa manière d’interroger autour de lui amis et passants pour les soumettre à un interrogatoire sérré montre que ce daimon ne suffisait pas, et qu’il lui était nécessaire de faire parler les esprits tapis dans le corps de ses contemporains. Sinon, pourquoi cette vocation d’accoucheur d’âmes ? La maïeutique n’a pas d’autre projet que celui-ci : connecter son propre démon à ses semblables, comme le gardien de phare tente de pousser ses photons le plus loin possible, espérant être capté par quelque regard, et scanne aux jumelles l’horizon, à la recherche d’un signal semblable.

Bref, nous nous tenons dans ce monde, en vigies, envoyant les signaux idoines, espérant capter à notre tour un message venant d’une voix amie.

Les blogs, pour peu qu’ils n’aient pas pour objet de décrire par le menu sa vie privée (quoique, peut être, même ceux là, maladroitement), font partie de ces phares. L’enseignement aussi. Chaque année, l’enseignant envoie des signaux à presque 150 êtres humains; rares sont les personnes qui peuvent s’adresser à une telle audience, plusieurs heures par semaine. Et de temps en temps, ça répond. On peut passer des années sans qu’aucun signal clair ne revienne. Peu importe, il n’est pas nécessaire que les réponses soient nombreuses. Il faut se résoudre à émettre vers une certaine proportion de poste récepteurs, qui auront du mal à émettre en retour. Il faut aussi savoir s’avouer que parfois, on émet si fort qu’on en devient inapte à capter les émissions des autres. Et parfois, aussi, les réponses ne nous seront pas destinées.

Le blog répond à une logique semblable, avec d’autres moyens. Et si un jour on doit faire l’objet de ce qui, désormais, pend au nez de tout fonctionnaire, c’est à dire l’extinction de sa voix par suppression de son poste, demeureront au moins ces antennes ci. Ca continuera à émettre.

De temps en temps, dans le bruit de fond de l’univers, au beau milieu du bourdonnement humain, une onde porteuse se distingue et semble émettre un signal porteur de sens, un au-delà de la simple information. Alors, on sait de part et d’autre qu’une connexion s’est faite, et qu’on va pouvoir parler ensemble. Arrive le jour où, ensemble, on parle. Et nous y sommes.

Ainsi, une nouvelle signature apparaît dans cette colonne.

A côté de la rencontre, il y a aussi une idée derrière la tête (les démons, toujours…). La philosophie, dans les objets qu’elle traite, ratisse large. Il n’y a pas d’objet dont on puisse dire qu’elle est incapable de s’en emparer pour y appliquer ses méthodes d’analyse, son regard distancié, sa manière particulière de poser des problèmes. Et à ce titre, elle constitue sans doute une discipline précieuse pour un être humain qui doit bien constater, un jour ou l’autre, qu’il est posé dans cet univers, et qu’il va bien falloir y prendre position, y adopter une attitude. Mais pour cet être humain qui souhaiterait comprendre la situation avant d’y prendre part, manque aujourd’hui, souvent, une connaissance plus technique, peut être, mais tout aussi précieuse : la mécanique des relations humaines. Qu’on lui donne le nom d’économie (et, vraiment, nous vivons dans la méconnaissance de cet enseignement, avec à peu près autant de maîtrise de notre monde qu’un internaute qui surferait sur le net sans jamais avoir ouvert une unité centrale), de sociologie, ou de toute autre partie des sciences humaines, il y a là un ensemble de cartes du monde, de schémas techniques qui nous échappent, que d’autres maîtrisent, et qui sont autant d’outils que nous n’avons pas en mains dans notre confrontation à ce monde, qui est un monde humain, qu’il s’agit de connaître tout autant que nous connaissons la matière. Rappelons le : l’ambition est existentielle, certes, mais elle est aussi politique, nécessairement.

S’adjoindre les compétences d’un économiste, c’était possible, encore fallait il qu’une connexion suffisamment forte existe pour que ça puisse émettre ensemble. On dispose ici d’une antenne qui touche ses 300 personnes par jour en moyenne. Il va s’agir de proposer du contenu qui diffuse des pistes de compréhension à ceux qui les cherchent. Il semble avec le recul que ce fut l’idée de ce blog depuis le début, ça le demeure, avec une conscience un peu plus aigüe de la nécessité de répandre des cartes de notre territoire, ou de les constituer.

Alors, c’est le moment des présentations.

A Harry Staut s’adjoint donc un nouvel auteur, co-voiturier dans ce bas monde. Tels les Daft Punks, nous abuserons du principe du pseudonyme, l’identité sociale important peu ici. Stan Tistic va donc intervenir dans ces colonnes, afin de compléter ce que l’inspecteur Harry cerne de manière trop imprécise, ou trop mal, ou de manière trop orientée.

Habituez vous donc à surveiller les signatures des articles, puisque le blog devient choral (pour peu qu’un choeur puisse être composé de deux voix).

Et puisque nous avions commencé avec Socrate, finissons en compagnie du moment où il établit la connexion avec celle qui, pour ainsi dire, le branchera. Diotime, dont il se fait l’onde porteuse dans le Banquet, établit en quelques mots les fondements même de la pensée, en des termes qui laissent penser qu’il existe une tension entre les pôles que nous sommes :

« Tout ce qui est démonique est intermédiaire entre ce qui est mortel et ce qui est immortel.
– Avec quelle fonction ? demandai-je.
– Avec celle de faire connaître et de transmettre aux dieux ce qui vient des hommes, et aux hommes ce qui vient des Dieux : les prières et les sacrifices des premiers, les injonctions des seconds et leurs faveurs, en échange des sacrifices; et, d’un autre côté étant intermédiaire entre les uns et les autres, ce qui est démonique en est complémentaire, de façon à mettre le Tout en liaison avec lui-même. C’est grâce à cette sorte d’être qu’ont pu venir au jour la Divination dans son ensemble, la science des prêtres touchant les choses qui ont rapport aux sacrifices, aux initiations, aux incantations, à la prédiction en général et à la magie. Le Dieu, quant à lui, ne se mêle pas à l’homme; mais toutefois, grâce à cette nature moyenne, c’est d’une façon complète que se réalise pour les Dieux la possibilité d’entrer en relation avec les hommes et de converser avec eux, soit pendant la veille, soit pendant le sommeil. »

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