Pour quelques kilomètres/seconde de plus.

Il est rare que des découvertes scientifiques fassent la une des journaux. Les neutrinos pris en flagrant délit d’excès de vitesse ont connu leur quart d’heure de gloire warholien, surprenant tout de monde par leur vélocité, mais aussi par leur aptitude à détruire, à eux seuls, une bonne partie de la théorie de la relativité telle qu’Einstein l’avait constituée.

Pour autant, il ne faudrait pas en déduire que ce qu’il y a de révolutionnaire dans cette découverte, ce soit le fait que les théories scientifiques puissent être révolutionnées. Parce que, même si c’est rarement ainsi qu’on les présente à l’école aux enfants et jeunes censés les apprendre, révolutionnées et révisables, elles le sont par nature.

Il en va des théories scientifiques comme des chefs d’œuvre de l’histoire de l’art : leur classicisme leur donne l’apparence de constructions bâties pour se mesurer à l’éternité, alors qu’elles sont nécessairement limitées dans le temps : nées sous forme de renversement des théories les ayant précédées, elles sont vouées à être à leur tour renversées par plus malignes qu’elles.

D’ailleurs, des lycéens devraient sentir ce vertige face à la nouvelle qui tombait cette semaine. Après tout, la théorie de la relativité n’est pas enseignée au lycée. ou très peu. Dès lors, ils viennent en fait d’apprendre qu’une construction scientifique qu’ils n’ont même pas encore rencontrée ne les a pas attendus pour être remise en question. S’ils sont un peu perspicaces, ils devraient savoir quoi penser du paradigme newtonien sur lequel leur apprentissage est lui-même fondé.

L’illusion d’optique dont on souffre lorsqu’on regarde les théories enseignées à l’école est donc moins due à une absence de connaissances qu’à un manque de mise en perspective de celles-ci. On ne peut que souhaiter, d’ailleurs, que soit élargi l’enseignement de l’histoire des sciences, seul remède à cette conception dogmatique des théories reçues comme des paroles d’Evangile.

Il se trouve que les medias anglo-saxons sont depuis longtemps engagés sur la voie de la vulgarisation scientifique, domaine occupé en France par Maurice Chevalet, C’est pas sorcier (dont les maquettes peinent à modéliser les physiques non-newtoniennes, justement), et les frères Bogdanov, dont les mauvaises langues pourraient se demander s’ils sont eux-mêmes les relais des sciences, ou leur produit. En 2003, David Hickman réalisa pour la série de documentaires scientifique Nova une mini-série de trois épisodes intitulée The Elegant Universe, d’après le livre du même nom, écrit par Brian Greene, qu’on retrouve ainsi à l’écran comme commentateur. En France, ces trois épisodes ont été diffusés par Arte, sous le titre « Ce qu’Einstein ne savait pas encore ». On devine donc que les interrogations sur sa théorie en datent pas d’hier (en fait, elles se formulèrent clairement dès 1935 autour d’une expérience de pensée nommée EPR (d’après les noms des savants Einstein, Podoski et Rosen), qui mit en évidence le point au-delà duquel Einstein refusait d’avancer dans la théorie quantique).

Ce documentaire met en œuvre de nombreuses techniques spécifiques à l’audiovisuel. Il a donc une certaine tendance à rendre tout un peu trop spectaculaire, parfois sans véritable raison (par exemple, l’introduction dans la maison d’Einstein mise en scène comme si des phénomènes surnaturels y avaient lieu est un peu ridicule). Cependant, au-delà des tics spécifiques aux médias anglo-saxons (les multiples répétitions liées aux interruptions publicitaires, par exemple), ces films proposent une vulgarisation intéressante, des images « parlantes », des mises en scène permettant de retenir des schémas mentaux simples, et quelques séquences qui devraient fasciner physiciens et mathématiciens en herbe (l’intuition des vibrations fondamentales dans la théorie des cordes, devant un tableau intégralement rempli de formules mathématiques illisibles pour le commun des mortels est un moment où on peut saisir, en un instant, le rôle que les mathématiques jouent désormais dans la description de cet univers).

On trouve très facilement ces épisodes en ligne ; aucune édition en format dvd n’est jusque là disponible (il faut se contenter de la version américaine, en DVD zone 1, non sous-titrée…). A l’heure où ces bouleversements scientifiques font la une des journaux télévisés sans qu’on leur accorde le temps nécessaire pour les comprendre, il peut être utile de les regarder, afin de se clarifier les idées.

Episode 1 : Le Rêve d’Einstein :

[dailymotion]http://www.dailymotion.com/video/xhzi7_ce-qu-einstein-ne-savait-pas-encore_news[/dailymotion]

Episode 2 : La théorie des cordes :

[dailymotion]http://www.dailymotion.com/video/xi111_ce-qu-einstein-ne-savait-pas-encore_news#rel-page-1[/dailymotion]

Episode 3 : Bienvenue dans la 11ème dimension

[dailymotion]http://www.dailymotion.com/video/xi1lx_ce-qu-einstein-ne-savait-pas-encore_news#rel-page-3[/dailymotion]

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2 comments On Pour quelques kilomètres/seconde de plus.

  • Plus pour vous tenir au courant qu’un réel commentaire sur le corps de cet article : la valeur mesurée des neutrino est due à une erreur matérielle, en effet, une fiche était mal connectée et un composant était défectueux, d’où une vitesse mesurée plus grande.
    Mais je continue ce blog avec le plus grand intérêt.

  • facebook-profile-picture

    J’avais entrevu au détour d’un article que la mesure était désormais remise en question, sans avoir eu le temps d’aller jusqu’au détail des raisons de cette erreur. Voila qui permettrait de creuser l’épineux problème de la valeur de l’expérimentation, de la mesure et de leur rôle dans la dialectique expérimentale.

    Merci pour le regard et pour le commentaire !

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