No church in the wild, feat. Jawad

Human beings in a mob
What’s a mob to a king? What’s a king to a god?
What’s a god to a non-believer who don’t believe in anything?
Will he make it out alive? Alright, alright, no church in the wild

JAY-Z & Kanye West; No Church in the wild

The fault, dear Brutus
Is not in our stars
But in ourselves
That we are underlings.

William Shakespeare; Julius Caesar

Et Dieu dans tout ça ?

Jacques Chancel, Radioscopie, avec Georges Marchais

Aujourd’hui, je fonctionne comme ces DJs solicités par les fêtards pour passer tel ou tel titre, là, maintenant, tout de suite. Certes, la plupart du temps, il faut se méfier du premier venu qui vient, jovial, verre à la main et à moitié titubant, demander à ce qu’on passe illico les Démons de minuit. Mais il arrive aussi que la bonne proposition arrive au bon moment dans la bonne oreille de l’ambianceur (c’est à dire celle qui n’est pas accaparée par son casque), et que public, conseiller festif et performer communient dans une belle harmonie d’intentions et de moyens mis en oeuvre.

C’est ce qui s’est passé quand, il y a quelques jours, Jawad m’a envoyé un court mail qui montrait que, tout simplement, il avait lu ce que j’avais envoyé les jours précédent. Voici ce qu’il disait :

« Je ne comprend pas quand Sarte dit « Si Dieu n’existait pas, tout serait permis » et « si Dieu existe tout de demeure possible ». Je ne comprend pas car par exemple dans toutes les religions, Dieu ne permet pas le meurtre, mais le meurtre demeure quand même possible sur terre. »

Et ça montre au moins une chose : ceux qui ne comprennent pas, et qui osent le dire, sont précieux à tout le monde car cette question, bon nombre des lecteurs de Sartre peuvent aussi se la poser quand ils tombent sur ces affirmations en apparence un peu péremptoires, écrites à propos de l’inexistence de Dieu d’une part, et du fait que d’autre part, de toute façon, même si Dieu existait ça ne changerait rien.

En apparence, la charge contre la pensée de ceux qui conçoivent le monde en termes religieux peut sembler un peu hautaine. Résumée aux deux formules citées par Jawad, on peut se dire que, d’une part, Sartre évacue un peu vite l’existence de Dieu, prenant d’emblée une position clairement athée, et que d’autre part, il néglige totalement la position théiste, considérant que, quand bien même Dieu existerait, ça ne changerait strictement rien.

Nous verrons qu’en réalité ce n’est pas nécessairement de gaieté de coeur que l’existentialisme constate l’absence de Dieu. Mais avant on peut s’arrêter un moment sur la façon dont la question est posée.

Absenthéisme

Jawad fait aux affirmations qu’il cite une objection simple : Sartre a beau affirmer que, de toute façon, tout est permis et possible, il n’en demeure pas moins que les religions, toutes autant qu’elles sont, établissent bien des interdits. Et après tout, c’est plutôt vrai : s’il n’existe qu’un Dieu, la plupart des religions sont, en réalité, sans Dieu puisque tous les Dieux de toutes les religions ne peuvent exister simultanément. Or cela signifie qu’un grand nombre de religieux, et peut-être tous, observent quotidiennement des interdits qui ne sont fondés sur aucun Dieu réel, et aucun religieux au monde ne peut ignorer tout à fait qu’il est possible qu’il suive des préceptes qui viennent tout droit d’un être supérieur parfaitement inexistant. Cette règle, tout religieux la comprend très bien à propos de ceux qui pratiquent une autre religion que la sienne. Mais il doit aussi reconnaître que, puisque rien ne permet de distinguer quelle est la religion qui ne se trompe pas, chaque religieux peut nourrir le soupçon que ce soit « son » Dieu qui soit frappé d’inexistence. Mais après tout, comme le rappelle Jawad, à strictement parler ça n’enlèverait rien à l’existence de ces règles. Une religion peut, concrètement, parfaitement appeler ses fidèles à prier un Dieu absent ou inexistant. Et comme on vient de le dire, non seulement elle le peut, mais c’est très évidemment ce que font la plupart d’entre elles, à l’exception d’une seule, peut-être, et peut-être aussi sans exception. En apparence, Jawad a raison d’objecter à Sartre l’existence des préceptes : en effet, ceux-ci ne disparaissent pas si Dieu n’existe pas.

Cependant, si Sartre évoque Dieu, c’est parce que l’Être suprême est l’autorité1 la plus élevée à laquelle un homme puisse se référer en matière d’interdits et d’obligations. Et la stratégie qu’il suit consiste à montrer que si Dieu n’existe pas, alors les préceptes religieux ont beau demeurer, ils sont dès lors sans fondement2; ou du moins, s’ils ont un fondement, celui-ci n’est plus divin, et il n’est plus absolu. Et si les hommes les respectaient parce qu’ils étaient d’origine divine, alors en l’absence de Dieu, plus rien ne justifie absolument qu’on continue à les respecter. Si, dès lors, on continue à vivre selon ces commandements, c’est qu’on a d’autres raisons pour le faire, et que ces raisons sont indépendantes de l’existence de Dieu. On doit alors reconnaître que l’homme n’a pas besoin de Dieu pour agir conformément à des devoirs qu’il peut parfaitement définir par lui-même.

Ainsi, en reprenant la formule de Dostoïevski « Si Dieu n’existe pas, alors tout est permis », Sartre n’incite pas à la débauche ou aux comportements licencieux, il ramène simplement chacun à sa propre autorité personnelle : l’absence de Dieu n’efface ni les interdits, ni les obligations, elle retire simplement l’autorité extérieure qui fondait ces commandements. Ne venant plus de Dieu, on constate que ceux-ci n’ont de fondement réel qu’en chaque homme.

Mais on va voir qu’en réalité, même si Dieu définissait ces devoirs, c’est encore à l’homme de décider s’il va les respecter.

L’autorité suprême n’est pas un déterminisme absolu

Il est finalement plus intéressant d’analyser l’hypothèse théiste3 chez Sartre, parce qu’elle en dit davantage sur sa conception de la liberté.

On peut être un peu surpris qu’après avoir affirmé l’inexistence de Dieu, il prenne aussi facilement en compte l’hypothèse de son existence. Et si on est surpris, c’est qu’on est doublement préparé à l’idée que la question de la présence de Dieu, ou de son absence, change tout. On y est préparé par les présupposés ambiants sur la morale, souvent liée à la vie religieuse (les religieux seraient moralement plus fréquentables et vertueux que les dangereux athées), mais on y est aussi préparé par Dostoïevski et Sartre eux-mêmes : affirmer que l’inexistence de Dieu permet tout, c’est supposer que son existence est nécessairement accompagnée d’interdits. De Dieu, on ne peut pas dire comme du chat que lorsqu’il n’est pas là les humains dansent, car si Dieu existe, il ne peut pas tourner le dos, il est nécessairement partout, il voit tout, il sait tout. On en déduit un peu facilement qu’en la présence de Dieu, les hommes se tiennent à carreau et respectent les interdits. Ainsi, le théisme serait la pensée d’un monde caractérisé par les impossibilités, et l’athéisme serait la porte ouverte aux champs du possible.

Mais en fait, c’est précisément cette soi-disant logique que Sartre récuse. Si l’effet de la présence de Dieu était l’impossibilité de faire ce qu’il interdit, alors la vie quotidienne des hommes serait la preuve de son inexistence. Car l’humanité, c’est le moins qu’on puisse dire, ne cesse de désobéir aux injonctions divines. Et pour ne prendre en considération que le décalogue4 dont ont hérité le judaïsme, le christianisme et l’islam, chacun est bien conscient que ces dix interdits et devoirs furent, sont, et seront enfreints par la totalité des êtres humains, tant ceux qui font un effort pour les respecter que ceux qui n’ont aucune intention d’y obéir. En d’autres termes, Dieu peut bien interdire, cette interdiction ne se transforme pas pour autant en impossibilité. Sartre, dans L’Existentialisme et un humanisme, rappelle le bon sens : L’interdiction divine n’est pas un déterminisme absolu5 : il ne suffit pas que Dieu décrète pour que l’homme s’exécute. Un tel décret a une influence, évidemment, sur l’homme pieu, puisque celui-ci reçoit une certaine détermination à y obéir. Mais c’est une détermination relative : aucun lien rigide de cause à effet n’existe entre le précepte et l’acte du croyant. Il en va de ces interdits et devoirs comme de tous les autres : on peut y désobéir. Si c’est interdit, c’est que c’est possible. Et c’est justement parce que c’est possible que c’est interdit.

Si les décrets divins étaient mécaniquement respectés, le péché n’existerait pas. Celui-ci indique clairement que la volonté divine ne s’accomplit pas nécessairement quand il s’agit d’indiquer aux hommes ce qu’ils doivent faire. Les lois divines relèvent donc de la contingence6 et non de la nécessité7 : elles indiquent ce qui doit être, mais ce faisant, elles désignent aussi ce qui peut être, ou ne pas être. La cause de ce « jeu » dans l’enchaînement entre le décret et sa mise en application, c’est la liberté humaine : quand bien même l’homme sait ce qu’il doit faire, il lui est tout à fait possible de ne pas le faire, de faire autre chose, ou de ne rien faire du tout.

On voit bien que c’est là que se trouve la fragilité dans la question de Jawad :  » Dieu ne permet pas le meurtre, mais le meurtre demeure quand même possible sur terre. » Et pour lui donner raison, on peut préciser que la fragilité ne vient pas de sa remarque, qui est juste, mais de ce qu’il remarque : il y a en effet un paradoxe entre l’affirmation de l’existence d’une volonté divine, et le constat que chacun peut faire du non respect de cette volonté. Or, si volonté divine il y a, et que cette volonté n’est pas absolument efficace, c’est que l’homme demeure libre : y compris quand un déterminisme puissant le pousse à agir d’une façon précise, il est tout à fait possible qu’il agisse autrement. L’interdit divin n’a pas pour effet la disparition de ce qui est interdit.

Le Test d’Abraham

La même idée est développée plus loin dans L’Existentialisme est un humanisme, au moment où Sartre évoque l’ordre que reçoit Abraham de sacrifier son fils unique, Isaac. Un tel ordre n’implique pas, ni dans le texte biblique, ni dans l’interprétation qu’en donne Sartre, un nécessaire passage à l’acte : Abraham peut immoler son fils, comme il peut ne pas le faire. Dieu est lui-même incertain de l’obéissance de son prophète. La conséquence que Sartre tire de ces observations c’est que l’homme demeure, irrémédiablement, libre face aux enchaînements de causes et d’effets qui précèdent et encadrent ses actes. Et si Dieu ne parvient pas à briser cette contingence, c’est que rien n’y parviendra. L’homme, baignant dans un monde d’influences, demeure l’origine de ses actes, parce qu’aucune de ces influences n’est aussi décisive que sa volonté elle-même. Et il ne faudrait pas voir dans cette pensée une légèreté qui permettrait tout et n’importe quoi, car il y a dès lors un poids à porter pour l’homme libre : étant la source de ses actes, il est aussi pleinement responsable de ce qu’il fait. Il lui est impossible de faire peser la responsabilité8 de ses actes sur les circonstances, sur l’état du monde, sur les influences qu’il a subies, ou même sur la fatalité, ou sur Dieu : chacun est, absolument, responsable de ce qu’il fait, et donc de ce qu’il est, puisque chez Sartre, on n’est rien d’autre que ce qu’on fait.

Donc, si Sartre évoque l’existence de Dieu, c’est pour pouvoir disposer, intellectuellement, d’une situation limite à partir de laquelle il pourra évaluer la liberté humaine dans toutes les autres situations. Car si même l’injonction de Dieu ne peut pas déterminer absolument l’action de l’homme, si Dieu « en personne » ne peut dépasser la liberté humaine, c’est que rien ne le pourra. Et si la liberté rend tout le reste contingent, c’est que tout est contingent, sauf la liberté elle-même, qui est absolue. Pas au sens où il n’y aurait aucun déterminisme pesant sur l’action, mais au sens où aucun déterminisme n’est absolu : même sous les plus fortes contraintes, l’homme demeure libre. C’est la raison pour laquelle il est parfaitement sensé, pour Sartre, d’écrire que « l’homme est condamné à être libre« .

En 1944, Sartre écrit un court texte intitulé La République du silence, dans lequel il met ses thèses à l’épreuve de ce que les français eurent à vivre pendant la Seconde Guerre Mondiale. La première phrase de cet article est la suivante : « Jamais nous n’avons été plus libres que sous l’occupation allemande. » La démarche est la même que celle à laquelle il recourt dans L’Existentialisme est un humanisme : Sartre va chercher l’autorité la plus aliénante qu’on puisse concevoir, la contrainte la plus déterminante, celle à laquelle il semble absolument nécessaire d’obéir, et il montre ensuite que malgré le poids considérable de cette contrainte, l’obéissance demeure contingente : il n’est pas nécessaire d’obéir aux ordres de l’occupant, y compris si le prix à payer pour la désobéissance est la mort. Identiquement, quand bien même Dieu commande, et quand bien même sa punition serait terrible, il demeure possible de ne pas lui obéir, et de choisir d’endurer cette punition. D’ailleurs, la promesse de cette punition elle-même est le signe que l’homme demeure libre : si son obéissance était inconditionnelle, alors la punition n’aurait aucun sens, puisqu’elle ne peut avoir lieu qu’à la condition que l’homme ne respecte pas le précepte divin.

Panne d’essence

Dernier élément de réponse : on pourrait imaginer qu’en réalité la volonté divine ne s’accomplisse pas dans chaque mouvement observable dans l’univers, mais qu’il crée chaque être de façon tellement cohérente qu’il en vienne à ne se comporter que comme il le doit, sans possibilité d’agir autrement. On aurait alors un univers totalement déterminé, fonctionnant comme une mécanique que Dieu n’aurait plus à surveiller puisqu’il l’aurait conçue de façon tellement efficace qu’elle produirait exactement ce qu’elle doit produire. Dans un tel monde, l’homme lui-même serait conçu selon une définition précise, qui lui fixerait ses buts et lui donnerait les moyens de les atteindre.

Sartre, dans L’Existentialisme est un humanisme, évoque cette conception de Dieu qui voit en cet être suprême le concepteur de toute chose, et donc de Dieu. Selon ce courant de pensée (qui n’est pas, on l’a compris, celui de Jean-Paul Sartre), l’homme serait conçu par Dieu, de façon cohérente, et la « mission » de chaque homme serait de réaliser pleinement la conception divine, d’agir et d’être le plus possible conforme à cette définition originelle, fixée par Dieu. Ainsi, Dieu serait moins celui qui dicterait ce qu’il faut faire, que celui qui aurait conçu, dès l’origine, ce qu’on doit être.

Cette définition intime de l’homme, on peut la nommer aussi « essence ». L’essence, c’est ce qui, dans un être ou un objet, est essentiel. L’essence d’une porte se tient dans son aptitude à laisser le passage, ou à le bloquer. Dans une perspective religieuse, l’origine de ce que chacun doit être, c’est la conception de Dieu. Mais c’est là ce que Sartre récuse de nouveau, avec les mêmes arguments que ceux qu’on a évoqués ci-dessus :

Tout d’abord, Dieu n’existant pas (n’oublions pas que sa perspective est athée), il n’y a aucun concepteur, et donc l’humanité n’a pas d’essence, nous n’avons pas de mission à accomplir, ni individuellement, ni collectivement. Aucun être n’a voulu, ou conçu l’humanité, qui peut tout aussi bien trahir la définition qu’elle croit avoir d’elle-même, ou disparaître. Si Dieu garantissait une conception absolue de l’humanité, son inexistence a pour conséquence de l’être humain devient tout à fait contingent, dans son existence, et dans sa définition. Mais en réalité, même si Dieu existait, ici aussi, ça ne changerait rien. Car Dieu aurait beau fixer l’essence humaine, et donc donner à chacun la mission qu’il doit accomplir durant sa vie, rien n’empêcherait de refuser un tel objectif, et de s’en fixer d’autres. La voie qu’indique Dieu, on peut tout à fait s’en écarter, s’y arrêter en chemin, refuser de la suivre davantage. Dans les Evangiles, on voit Jésus lui-même nourrir de tels doutes vis à vis de sa propre essence, et des actes que celle-ci suppose : demandant à Dieu d’éloigner de ses lèvres cette coupe, c’est à dire de ne pas lui demander d’aller jusqu’au bout de son sacrifice, il émet l’hypothèse qu’il puisse ne pas être ce qu’il est censé être, et qu’il puisse ne pas faire ce que sa nature divine lui commande. Mais ce faisant, il montre qu’en réalité il a le choix. Et si sur la croix il était subitement pris d’un remords, il ne pourrait pas accuser Dieu de l’avoir ainsi soumis à un tel supplice : sa crucifixion, il en est responsable, comme de tous les autres actes dont il a été l’auteur dans sa courte vie. Ce que Sartre affirme de l’être humain (pour lui, « l’existence précède l’essence »), on pourrait le dire de cet être particulier qu’est Jésus, qui pour les chrétiens est essentiellement conçu pour devenir celui qu’ils appellent Christ. On peut douter que cet être humain ait été conçu dans un tel objectif, tout simplement parce qu’on peut douter de l’existence d’un Dieu qui l’aurait ainsi conçu (et on précise que si on peut en douter, on peut aussi parfaitement y croire). Mais on peut aussi affirmer que même si un Dieu l’a conçu selon cette essence, Jésus demeure apte à dénoncer ce programme qu’on lui a fixé. Même s’il a, clairement, une vocation, il demeure libre de ne pas la suivre, et de se fixer d’autres buts.9

Sur la Terre, pas tout à fait comme au Ciel

Il y a quelque chose d’intéressant dans la question de Jawad, c’est qu’il précise à la fin de celle-ci : « sur Terre ». En effet, même en supposant que puissent exister des lois célestes conçues par un Dieu, la vie humaine ne se déroule pas « au ciel », mais bel et bien sur Terre. Et si on ne peut pas imaginer qu’au « paradis », ou dans un un quelconque royaume divin le meurtre puisse exister, parce sur un tel « territoire » la volonté de Dieu serait évidemment absolument efficace, en revanche, « la Terre » et plus largement l’univers physique dans lequel l’homme vit est un territoire où cette volonté, pour peu qu’elle existe, est mise en concurrence avec la volonté de chacun. Cette concurrence, ce dialogue et cette négociation permanente que l’homme entretient avec les préceptes divins, n’y obéissant, à sa mesure, que s’il les reconnaît comme valides, et si finalement il le veut bien, est en réalité la forme extrême de l’échange que chacun entretient avec tout ce qui pourrait déterminer sa propre existence. Si le meurtre est possible, c’est qu’aucune loi n’est absolument déterminante. Chacun peut tuer quand bien même il ne faut pas le faire, parce que l’interdit, quel qu’en soit la source, n’annule pas la possibilité de faire quelque chose. Au contraire, il la révèle.


Notes :

1 – Autorité : il s’agit du pouvoir – institué ou non – de commander.
2 – Fondement : ce qui donne à quelque chose sa raison d’être. Ce qui est sans fondement est considéré comme illégitime.
3 – Le théisme est le nom générique qu’on donne à toutes les théories affirmant l’existence de Dieu.
4 – le Décalogue est le nom qu’on donne aux fameux « 10 commandements » dans le christianisme, et aux « 10 paroles » dans le judaïsme. C’est aussi le titre d’une très belle série de moyens métrages réalisée par le réalisateur polonais Krzysztof Kieślowski en 1988. Je ne peux que conseiller de la regarder un jour.
5 – Le déterminisme est le principe fondamental de toute science expérimentale, selon lequel les mêmes causes produisent les mêmes effets, parce que des lois constantes déterminent les phénomènes. Un déterminisme absolu affirme que ce principe n’a aucune exception, pas même dans le comportement humain.
6 – On désigne contingent ce qui peut être, ou ne pas être; ce qui peut être tel qu’il est, ou être autrement. En somme, ce qui est contingent n’est pas déterminé, puisque les êtres déterminés ne peuvent pas être autre chose que ce qu’ils sont.
7 – La nécessité est le concept qui s’oppose à celui de contingence : ce qui est nécessaire ne peut pas être autre ce qu’il est. Et si quelque chose est nécessaire, cette chose ne peut pas ne pas être. La nécessité est liée à la détermination.
8 – La responsabilité est l’aptitude à répondre de ses actes, c’est à dire s’en affirmer l’auteur. La responsabilité implique la liberté, car en l’absence de liberté, la cause de nos actes n’est pas la volonté mais un ensemble de causes indépendantes de celle-ci, dans lesquelles réside la véritable origine de nos actes, dont nous ne sommes que les exécutants. Inversement, affirmer la liberté, c’est aussi affirmer la responsabilité, ce qui explique qu’il n’y ait pas de liberté insouciante, et qu’on puisse préférer se tenir éloigné de toute véritable liberté.
9 – Petite précision : cette idée, selon laquelle Jésus serait libre de mettre en oeuvre, ou pas, son essence divine, est au regard de l’Eglise une hérésie définie comme telle en 431 lors du Concile d’Ephèse. Cette conception de Jésus a été mise en scène par Martin Scorsese dans La dernière Tentation du Christ (1988), adapté du roman de Níkos Kazantzákis, La dernière Tentation (1954). Le livre, puis le film, furent considérés par certains chrétiens comme blasphématoires. Evidemment, comme il s’agit de philosophie, on peut tout à fait se permettre d’émettre de telles hypothèses, puisqu’en philosophie il n’y a a priori ni hérésies, ni blasphème.

Dernier gros détail : j’ai emprunté le titre, et les illustrations au fameux No Church in the wild de Kanye West et Jay-Z. Enorme morceau de la culture rap, immédiatement reconnaissable, dont les paroles tournent autour de la question de l’autorité et de sa reconnaissance, de l’individu et de la foule, des rois et des dieux, et mis en image, de façon assez saisissante, par Romain Gavras qui trouve là un titre à la mesure de ce qu’il sait faire.

Evidemment, ce clip, commandité par des rappeurs milliardaires, est lourdement chargé en complaisance et en récupération. Mais accordons-lui ceci : il est tourné en 2012, et met en scène des émeutes qui se déroulent en bonne partie à Paris. Ces images de l’Arc de Triomphe noyé dans les gaz lacrymogènes, on les a revues depuis. Mais ce que n’avait pas vu venir Romai Gavras, c’est que les acteurs réels de ces images devenues actualité ne furent pas ceux qu’il avait imaginés. Il a mis en scène l’émeute comme un phénomène racial, elle s’est déroulé sous une forme sociale, et économique. Pour autant, on ne peut pas refuser absolument l’hypothèse selon laquelle de telles images puissent être inspirantes, et que certains puissent être menés par le désir inavoué de les reproduire, et d’en incarner les héros. Mais ici encore, qu’elles soient influentes, c’est certain, et elles participent évidemment d’un processus déterminant. Et pour autant, cette détermination n’est pas absolue, et la réalité de ce qui s’est passé dans la rue ces derniers mois a déjoué les mécanismes auxquels on s’attendait.

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