Let’s play master and servant

Ce qui suit est, comme on dit, un gros morceau. Hegel n’est pas très facile à lire, et réclame souvent un accompagnement. Ce passage de la fameuse Dialectique du maître et de l’esclave est évoqué ici parce que nous l’utilisons pour traiter un sujet précis (Le travail divise-t-il les hommes ?). On y comprend, entre les concepts, que le travail est ce qui permet à l’humain de se reconnaître en tant que tel. On devine donc que la référence à ce texte permet d’établir qu’il y a quelque chose de profondément unificateur dans le travail.

Le maître est la conscience qui est pour soi, et non plus seulement le concept de cette conscience. Mais c’est une conscience étant  pour soi, qui est maintenant en relation avec soi-même par la médiation d’une autre conscience, d’une conscience à  l’essence de laquelle il appartient d’être synthétisée avec l’être indépendant ou la choséité en général. Le maître se rapporte à ces deux moments, à une chose comme telle, l’objet du désir, et à une conscience à laquelle la choséité est l’essentiel. Le maître est : 1) comme concept de la conscience de soi, rapport immédiat de l’être-pour-soi, mais en même temps il est : 2) comme médiation ou comme être-pour-soi, qui est pour soi seulement par l’intermédiaire d’un Autre et qui, ainsi, se rapporte : a) immédiatement aux deux moments, b) médiatement à l’esclave par l’intermédiaire de l’être indépendant ; car c’est là ce qui lie l’esclave, c’est là sa chaîne dont celui-ci ne peut s’abstraire dans le combat ; et c’est pourquoi il se montra dépendant, ayant son indépendance dans la choséité. Mais le maître est la puissance qui domine cet être, car il montra dans le combat que cet être valait seulement pour lui comme une chose négative ; le maître étant cette puissance qui domine cet être. Pareillement, le maître se rapporte médiatement à la chose par l’intermédiaire de l’esclave ; l’esclave comme conscience de soi en général, se comporte négativement à l’égard de la chose et la supprime ; mais elle est en même temps indépendante pour lui, il ne peut donc par son acte de nier venir à bout de la chose et l’anéantir ; l’esclave la transforme donc par son travail. Inversement, par cette médiation le rapport immédiat devient pour le maître la pure négation de cette même chose ou la jouissance ; ce qui n’est pas exécuté par le désir est exécuté par la jouissance du maître ; en finir avec la chose ; mais le maître, qui a interposé l’esclave entre la chose et lui, se relie ainsi à la dépendance de la chose, et purement en jouit. Il abandonne le côté de l’indépendance de la chose à l’esclave, qui l’élabore.

G.W.F. Hegel, La phénoménologie de l’esprit (1806-1807), t.1,
trad. J. Hyppolite, éd. Aubier Montaigne, 1941, pp. 161-162.


L’illustration est extraite du film de Jacques Audiard, Un Prophète (2009). On peut y voir une mise en scène cinématographique de la dialectique du maître et de l’esclave.
L’intitulé de l’article est une simple évocation d’un des premiers titres du groupe Depeche Mode, Master and servant.

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