L’inconscient échappe-t-il à toute forme de connaissance ?

Ce qui suit n’est pas une dissertation finalisée. Ce sont les grandes lignes qui permettraient de la rédiger. Manquent donc à l’appel l’introduction, la conclusion et les transitions. Manquent aussi le développement des paragraphes des première et deuxième parties, dont on ne trouvera ci-dessous que les grandes lignes directrices. La troisième partie est davantage précisée car les arguments auxquels elle recourt sont plus complexes, réclamant dès lors davantage de précision.

Une petite remarque au passage, pour ceux qui aiment reconnaître des formes générales dans les objets qu’on leur présente : la structure générale de cette dissertation s’apparente à un plan dialectique, au sens où sans se contredire, les deux premières parties permettent de répondre de façon divergente à la question posée (non, puis oui). Suit alors une troisième proposition, qui dépasse les deux premières pour énoncer une réponse qui prend un peu de la hauteur. Le mieux, c’est de produire un plan dialectique sans chercher à le faire. Quand on veut par avance y parvenir, ça donne quelque chose d’artificiel qui n’est souvent pas très intéressant. D’autre part, on pourrait imaginer une assez bonne copie qui ne proposerait que les deux premières grandes parties. Mais ce serait un peu dommage de ne pas élever un peu la réflexion avant de conclure.

Plan :

L’inconscient échappe-t-il à toute forme de connaissance ?

1 – La notion d’inconscient correspond à un objet de pensée qui, au moins à ce titre, est connu

A – L’inconscient est le nom d’une hypothèse, née de la nécessité d’expliquer un certain nombre de phénomènes

B – A ce titre, pour que l’hypothèse soit cohérente, il faut qu’un certain nombre de caractéristiques logiques soient construites, qui permettent de rendre compte des phénomènes observés

C – Ainsi, l’inconscient est un concept suffisamment solide pour donner son nom à une théorie globale, au sein duquel il est reconnu comme la cause d’un certain nombre de phénomènes qui, sinon, demeureraient inexpliqués. Il est aux phénomènes pathologiques ce que la planète Pluton est aux irrégularités de trajectoire d’Uranus et de Neptune.

2 – Cependant, si on ne peut véritablement connaître que les phénomènes, l’inconscient lui-même ne peut pas faire l’objet d’une véritable connaissance

A – Le fait que la notion d’inconscient soit le fruit de la raison ne signifie absolument pas que celui-ci, pour autant, existe. Cf Kant et la critique de l’usage pur de la raison

B – Pourtant, on pourrait penser qu’après tout, l’inconscient a la même valeur hypothétique que le Big Bang, ou l’expansion de l’univers : après tout, les objets en astrophysique sont souvent pensés rationnellement bien avant qu’on puisse en vérifier expérimentalement l’existence.

C – La différence, cependant, c’est qu’on peut concevoir des expérimentations visant à mettre en échec la théorie de l’expansion de l’univers, alors qu’il est impossible de mettre à l’épreuve l’hypothèse de l’inconscient. Comme le montre Karl Popper, celle-ci est systématiquement validée, et paraît donc être éternellement vraie. C’est précisément ce qui, d’après lui, permet de l’invalider.

3 – En quoi, dès lors, y aurait-il une connaissance de l’inconscient, si ce n’est pas d’une connaissance scientifique qu’il s’agit ? La question, en somme est la suivante : n’y a-t-il de connaissance que scientifique ?

A – L’inconscient correspond, dans une certaine mesure, à un savoir-faire. Cette notion est nécessaire à une certaine pratique thérapeutique. Et si la psychanalyse peut difficilement être reconnue, au même titre que la physique, comme une science, elle peut en revanche être considérée comme une technique. Le savoir-faire technique n’implique pas nécessairement un savoir. On rencontre cette nuance, en fait, dans tous les domaines d’action. La cuisine, la médecine, ou même l’exorcisme : parfois, ce qu’on fait donne les résultats recherchés, sans qu’on sache comment ça marche.

B – La connaissance scientifique essaie d’établir des relations systématiques entre des phénomènes, établissant des liens nécessaires entre des causes et des lois, définissant ainsi ce qu’on appelle des lois. Mais la totalité des questions que se pose l’humanité ne peut pas être traitée sous cette forme : un certain nombre de questions ne se posent pas sous la forme « comment ? », mais plutôt sous cette forme : « pourquoi ? » La compréhension de la mécanique du monde ne résume pas à elle seule l’entièreté de l’inquiétude humaine : l’être humain ne cherche pas que des lois, il est aussi en quête de sens. Et la science est incapable de discerner du sens, précisément parce qu’elle ne fonctionne que par démonstration, c’est-à-dire par un enchainement rigoureusement logique d’énoncés. La quête de sens, elle, se fait sous la forme d’une perpétuelle interprétation, qui possède aussi ses exigences et ses méthodes, mais impose aussi une plus grande souplesse, dans la mesure où elle ne vise pas un énoncé unique, qui serait vrai, mais un dialogue permanent entre des énoncés divers, qui peuvent prétendre simultanément, être justes.

C – L’inconscient peut donc être considéré comme une interprétation, une façon de donner du sens à ce qui, sinon, demeurerait absurde. A la façon dont les anciens mythes tentaient d’extraire de l’absurdité tout ce que l’existence humaine contient de problématique (la mort, l’amour, la guerre, la souffrance, le mal…), le concept d’inconscient est une tentative pour sortir les êtres humains des souffrances, parfois profondes et handicapantes, qui pèsent sur leurs épaules et les empêchent de vivre. Contemporain de Freud, Nietzsche relativisait le culte voué à la vérité, et le rituel religieux que constitue la démonstration logique : concernant les inquiétudes spécifiques de la véritable humanité, cette méthode est stérile. Il lui préférait un art de l’interprétation qui délaisserait la vérité, qui n’aide pas à vivre, pour préférer une constante interprétation qui privilégierait, elle, les pensées qui intensifient l’existence, attisent les pulsions, cultivent les instincts, parce que c’est ainsi que, au lieu de nier théoriquement le corps, la matière et les forces vitales, on donne au contraire à celles-ci une perspective dont on n’a pas à se soucier qu’elle soit vraie, puisqu’elle ne peut pas l’être, mais dont on peut espérer qu’elle soit juste, c’est-à-dire qu’elle s’accorde avec ce à quoi on aspire. L’inconscient, dès lors, s’il entre en phase avec une existence plus puissante, plus forte, plus volontaire au sens le plus profond de ce terme, peut être considéré comme une connaissance, un savoir, une vision (au sens où, dans Avatar (James Cameron, 2009), quand on dit  « Je te vois », on fait référence à une forme d’intuition qui correspond bel et bien à un savoir sans se réduire pour autant à une connaissance scientifique)

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